Comment associer décarbonation de l’économie et évolution des emplois : transformer une menace en opportunité (suite)

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Un Accord National Interprofessionnel relatif à la transition écologique et au dialogue social a été signé le 11 avril 2023 par plusieurs partenaires sociaux. Dans la dernière Newsletter, nous analysions le contenu de cet accord et les leviers de négociation. Aujourd’hui, nous nous attacherons aux moyens du CSE sur de sujet.

Quelles sont les compétences du CSE en matière environnementale ?

Rappelons tout d’abord que le CSE est compétent (et légitime) pour toute question relative à la marche générale de l’entreprise (L2312-8 du Cdt), par conséquent , il est automatiquement légitime sur ce sujet. Toutes les consultations du CSE doivent dorénavant comporter un point sur les conséquences environnementales du projet (nous renvoyons sur ce point le lecteur à la fin de l’article sur la jurisprudence récente).
Si le législateur avait dans un premier temps prévu une consultation spécifique sur la RSE, il n’a finalement pas retenu cette idée. Conséquence directe, les trois consultations récurrentes dites Rebsamen (Politique Sociale et Conditions de Travail, Situation Economique et Financière, Orientations Stratégiques) doivent aussi porter sur les aspects environnementaux. Concrètement, force est de constater que ces consultations sont souvent pauvres en la matière et que les élus des CSE relèvent fréquemment cette carence dans leurs avis. Pourtant, la consultation sur les Orientations Stratégiques reprend notamment les enjeux de la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels et sur la Mixité des Métiers (GEPPMM). Peut-on sérieusement traiter ce sujet sans intégrer les évolutions environnementales ?
Même si le Code du travail ne donne pas de définition de la notion de « conséquences environnementales » (on peut le regretter), il prévoit dans son article D4133 que les représentants du personnel et tous les salariés peuvent déclencher un droit d’alerte environnemental s’ils estiment que la production ou les produits utilisés font peser un risque grave sur l’environnement. Ce droit ne doit pas être ignoré dans les échanges entre les partenaires sociaux.
Autres outils au service du CSE : la Base de Données Economiques Sociales et Environnementales.
Un accord peut déterminer les informations précises qui doivent y figurer et notamment les informations environnementales. Ces dernières pourront être composées du Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre (dans son Scop 3, qui reprend toutes les émissions directes et indirectes), ou encore la quantité d’eau utilisée, les Kilowattheures consommés, les déchets récupérés…..
 
La formation constitue un outil fondamental. On l’a vu précédemment, la réflexion doit intégrer la formation, mais les élus ont déjà à leur disposition une formation sur les questions environnementales dans le cadre de la formation économique de 5 jours ; c’est une opportunité à saisir.
 
Par ailleurs, outre la mise en place de commissions spécifiques pour prendre en compte le volet environnemental, le rôle des représentants de proximité doit être valorisé : proches du terrain, ils sont souvent les plus aptes à faire remonter les problèmes.

Et le rôle de l’Expert ?

Lorsque le CSE fait appel à un expert, ce dernier devra intégrer dans le périmètre de sa mission (et donc dès la rédaction de sa lettre de mission), un volet environnemental. Le législateur a étendu les missions de l’expert-comptable aux questions environnementales pour les aligner sur les nouvelles compétences du CSE. Le cas échéant, l’expert pourra relever dans son rapport la carence de l’entreprise dans ce domaine (pour souligner ainsi le non-respect de la loi) et aider les élus à être force de propositions dans la rédaction de leur avis.
Le tribunal judiciaire de Nantes vient d’ailleurs de rappeler dans un jugement du 22 décembre 2022 l’importance du sujet. La carence dans l’information environnementale prévue au L2312-8 du Cdt lors d’une consultation d’un CSE pour un projet de déménagement a amené le tribunal à repousser le délai de consultation. Il est fort à parier que si l’entreprise ne s’était finalement pas décidée à donner les bonnes informations, elle en aurait été contrainte par le tribunal.
Ce jugement vient confirmer l’évolution du Cdt « le CSE n’est plus invité à se prononcer dans l’intérêt des seuls salariés de l’entreprise, mais dans l’intérêt de l’ensemble de la communauté humaine, voire non humaine »
 
Terminons, en rappelant que le CSE a lui aussi un rôle important sur le sujet notamment dans le choix de ses activités sociales (goodies, voyages,..) et qu’à ce titre il se doit de donner l’exemple et renforcer ainsi sa crédibilité dans les échanges avec la direction.
 
Jean-Marc Lenglart
Président Explicite
jm.lenglart@explicite-cse.fr