Le Pouvoir d’Achat : de quoi parlons-nous ?

Temps de lecture : 3 min

Les élus et les délégués syndicaux ont-ils des leviers d’action sur le Pouvoir d’Achat ?

Avant toute chose, il faut savoir de quoi nous parlons.

Le pouvoir d’achat correspond au volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter. Deux facteurs l’impactent directement :

  • Le revenu : s’il baisse ou augmente, le pouvoir d’achat va suivre une évolution similaire ;
  • Le prix des biens et services ; s’il baisse ou augmente, le pouvoir d’achat va suivre l’évolution inverse.

On sait aujourd’hui que l’inflation, qui se traduit tôt ou tard par une augmentation des prix des biens et services, devrait être de l’ordre de 5,6 % en 2022, 3,4 % en 2023 et 1,9 % en 2024 (prévisions de la Banque de France). Clairement, si le revenu ne bouge pas, nous allons perdre plus de 11 % de notre pouvoir d’achat dans les 3 prochaines années.

Avant d’entamer toute négociation, il faut savoir que recouvre cette notion.

L’inflation a trois origines possibles (pour la faire simple) :

  • Par la monnaie : Quand beaucoup de monnaie est injectée dans l’économie, sa valeur baisse mécaniquement ce qui entraine une hausse des prix pour compenser cette perte ;
  • Par la demande : Les entreprises ne parviennent pas à faire face à la demande de leurs clients, le rapport leur devient favorable et elles peuvent donc augmenter leur prix ;
  • Par les coûts : Les entreprises répercutent sur leur prix de vente l’augmentation des coûts (matières premières, salaires, immobilier …).

Si nous sommes face à une inflation par la demande, l’entreprise est plutôt en situation de force sur son marché, ce qui laisse envisager des marges supplémentaires et donc une négociation plus facile pour les salariés.

Si nous sommes face à une inflation par les coûts, où il faudra répercuter les hausses sur les prix de vente, la négociation sera sans doute plus compliquée.

L’évolution des rémunérations sur les trois dernières années prouve que l’inflation actuelle ne provient pas de la hausse des coûts : gel des salaires, baisse des heures supplémentaires ou encore chômage partiel. De 2010 à 2019, les augmentations moyennes n’ont pas dépassé 2,5 % par an et 2% en 2020, l’année du Covid (Etude WTN).

Repositionner la négociation dans ce contexte économique est important.

Par ailleurs, nous ne sommes pas égaux face à la hausse des prix : les salaires les plus faibles vont plus fortement subir l’inflation. Ces derniers n’ont pas les moyens de modifier leur mode de consommation (en renonçant ou en transférant par exemple certaines dépenses) et la part de l’énergie ou du transport est souvent significative dans le budget de ces ménages. L’inflation creuse les inégalités entre catégories professionnelles.

Au sein de l’entreprise, comment appréhender cette situation ?

Après avoir posé le contexte macro de la négociation, il convient pour les élus d’appréhender l’état d’esprit des employeurs.

Comme les salariés, les entreprises ne sont pas égales devant l’inflation :

  • Certaines y seront quasiment indifférentes ; c’est le cas notamment des sociétés de prestations de services (maintenance informatique, conseils, ingénierie…), qui ne subissent pas la hausse des matières premières (le risque pour elles est la pénurie de main-d’œuvre qui pourrait finir par une hausse des coûts salariaux) ;
  • D’autres vont être en forte situation de vulnérabilité.  On pense aux industries qui ont dû faire face à la pénurie de matières premières comme les semi-conducteurs ;
  • Quelques entreprises vont tirer profit de la situation inflationniste : les sociétés pétrolières par exemple peuvent en être bénéficiaires grâce aux coûts fixes de l’extraction ;
  • Enfin, certaines entreprises pourront répercuter sans problème l’augmentation de leurs charges sur les prix de vente étant en situation de force vis-à-vis de leur client (secteur du luxe).

Il convient de « classer » l’entreprise dans l’une ou l’autre de ces catégories et mesurer ainsi une première marge de négociation.

Dans un second temps, les spécificités économiques doivent être identifiées.

On touche ici le point de la santé financière de l’entreprise. S’il existe, le rapport de l’expert du CSE sera un outil important.

Comment est appréhendé le résultat économique de l’entreprise et quelle est sa situation financière ?

Les élus devront être particulièrement attentifs à la construction et à l’affectation des résultats sur les 5 dernières années :

  • Montant et composition du carnet de commandes ?
  • Évolution des managements fees ?
  • Politique de prix de transfert ?
  • Montant des dividendes versés par rapport à l’évolution du salaire moyen ?
  • Réductions de capital ?
  • Partage de la valeur ajoutée entre les salariés, les actionnaires et l’investissement ?

Enfin, rappelons que toute augmentation du SMIC génère indirectement une diminution des charges patronales : plusieurs charges sociales sont calculées à partir du SMIC, c’est notamment le cas des réductions « Fillon » et des cotisations « allocations familiales « et « assurance maladie ». Mécaniquement, quand le SMIC augmente, le montant de ces cotisations baisse et les réductions Fillon augmentent. Il s’agira pour les élus d’obtenir les informations sur ce point afin de « contrer » l’argument de l’employeur sur le coût réel de l’augmentation du SMIC.